02/08/2012 – 18h00
NANTES (NOVOpress Breizh) – Nantes Métropole souhaitait dynamiser sa fréquentation touristique en organisant cet été deux manifestations voyantes, Le Voyage à Nantes et Estuaire. Ce vaste pot-pourri composé d’œuvres et de manifestations disparates a bénéficié d’un budget énorme. Ses résultats, encore indéterminés, ne semblent pas à la hauteur et risquent de laisser les professionnels du tourisme nantais dans une situation difficile.
Le Voyage à Nantes et Estuaire, manifestations jumelles organisées cet été par la communauté urbaine de Nantes, se sont achevées le 19 août. Estuaire était la troisième et dernière édition d’une biennale artistique consistant à installer des œuvres d’art, pérennes ou non, au long de l’estuaire de la Loire, de Nantes à Saint-Nazaire. Le Voyage à Nantes était la première manifestation de la société publique locale éponyme créée l’an dernier par regroupement de l’Office de tourisme de Nantes et de Nantes culture et patrimoine, gestionnaire en particulier du Château des ducs de Bretagne et des Machines de l’île.
L’enjeu était important : transformer Nantes en destination touristique, pour des raisons de prestige, mais aussi d’économie. La ville de Nantes souhaite développer son centre de congrès, qui vivote. Pour attirer des grands congrès internationaux, il faut disposer d’une offre d’hôtellerie de qualité. Mais les hôtels ne peuvent être rentables que si l’activité de congrès en semaine est complétée par une activité touristique le week-end. Pour stimuler la création d’hôtels, Nantes a promis aux hôteliers de développer son attractivité touristique. C’était le but des Machines de l’île (le célèbre Éléphant, la Galerie des machines et le tout nouveau Carrousel des mondes marins) qui ont ouvert leurs portes à l’été 2007 sur le site des anciens chantiers navals.
Des difficultés imminentes à craindre pour l’hôtellerie nantaise
Les Machines de l’île n’ont pas eu l’effet escompté. Malgré leur succès populaire (le site des chantiers est un lieu de promenade apprécié des Nantais), elle n’attiraient, avant l’ouverture du Carrousel, qu’environ 300.000 visiteurs payants par an, soit cinq fois moins que le Grand parcours du Puy-du-Fou, pourtant situé en pleine campagne vendéenne et non en centre-ville. Surtout, elles attirent peu de touristes extérieurs. La moitié de leur fréquentation environ provient de l’agglomération nantaise.
Or les hôteliers ont répondu aux sollicitations de la municipalité nantaise : plusieurs établissements de prestige ont ouvert leurs portes ces derniers mois ou s’apprêtent à le faire. Comme le nombre de touristes n’augmente pas, les taux d’occupation chutent. Certains hôtels seraient en grande difficulté. Des fermetures seraient un signal catastrophique pour les ambitions touristiques de Nantes.
Afin de dynamiser l’offre touristique locale, Nantes Métropole a donc décidé de frapper un grand coup en réunissant ses moyens sous le chapeau du Voyage à Nantes. Des moyens financiers énormes ont été engagés au profit d’une grande opération estivale : au total une vingtaine de millions d’euros, en incluant les budgets officiels du Voyage à Nantes et d’Estuaire, l’aménagement d’un bar en haut de la tour Bretagne, le nouveau spectacle de Royal de Luxe, les festivités d’ouverture du Carrousel des mondes marins, etc.
Le thème du Voyage à Nantes était « la ville renversée par l’art ». Au nom de ce concept hermétique, pendant deux mois, du 15 juin au 19 août, de nombreuses œuvres, installations et animations ont égayé la ville. Un parcours matérialisé par une ligne rose a été aménagé sur une dizaine de kilomètres : en le suivant, les touristes pouvaient découvrir une quarantaine d’étapes aussi différentes que le tombeau de François II, père d’Anne de Bretagne, dans la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul, le « Mont Royal » (photo), sorte de mur d’escalade en contreplaqué recouvrant la fontaine de la place Royale, ou l’« arbre à basket » aux multiples paniers. Quelques œuvres du musée des Beaux-arts, fermé pour travaux, étaient montrées en divers lieux d’accueil, tandis que le donjon du musée Dobrée, lui aussi fermé, était exceptionnellement ouvert aux visites.
Au total, l’offre était abondante et distrayante mais disparate : Le Voyage à Nantes a manqué d’une proposition forte et claire susceptible d’attirer les touristes et de participer durablement à la construction de l’image de la ville. Bien avant le début de la manifestation, l’orientation et l’organisation de celle-ci avaient suscité un scepticisme croissant. Gilles Cibert et Philippe Quintana, respectivement présidents des hôteliers et des restaurateurs nantais, avaient exprimé leur inquiétude.
Un objectif officiel qui n’est pas à la hauteur des enjeux
À cette date, il n’est pas encore possible d’établir le bilan de l’opération et d’apprécier si elle a rempli sa mission. Les sites sur lesquels un comptage des visiteurs était assuré auraient reçu plus de 1,7 millions de visites en deux mois, ce qui ne signifie rien puisque un même visiteur pouvait être compté et recompté sur plusieurs sites à chacune de ses visites. On ignore aussi quelle est la proportion des Nantais parmi les visiteurs, mais elle est manifestement élevée. Les hôteliers, de leur côté, évoquent une stagnation de leur taux d’occupation par rapport à l’an dernier.
Pourtant, Le Voyage à Nantes devrait sans peine autoproclamer sa réussite. Il s’est en effet fixé un objectif très bas : augmenter de 20 %, soit 40.000 personnes, le nombre de touristes visitant Nantes par rapport à l’an dernier. Un objectif manifestement dérisoire par rapport aux moyens investis et à la situation de l’hôtellerie-restauration nantaise.
Crédit photo : Adam Bishop, via Wikimedia Commons (cc)