L’UE favorise les grands groupes au détriment des petits producteurs, sur fond de conflits d’intérêts avérés

26 juillet 2012 | Économie, Santé

26/07/2012 – 08h00
BRUXELLES (NOVOpress) — Depuis une dizaine d’années, l’Union européenne encadre de manière de plus en plus stricte par des directives, la vente et la distribution de médicaments, de plantes et d’aliments. Officiellement, l’objectif est de protéger le consommateur. Code communautaire sur les médicaments, directive sur les médicaments à base de plantes, les normes à respecter sont de plus en plus complexes. Résultat : les « petits » n’ont plus les moyens de répondre à toutes ces normes en restant rentables. Seuls les « gros » survivent, c’est-à-dire les grands groupes industriels pharmaceutiques ou agro-alimentaires (Nestlé, Danone, Bayer, Pfizer, etc).

On l’avait déjà constaté quand une nouvelle directive avait imposé de nouvelles règles d’hygiène et de processus très stricts pour la fabrication des fromages : les petits producteurs artisanaux et familiaux de nos campagnes étaient, pour beaucoup d’entre eux, restés sur le carreau.

L’enfer, « un pavé de bonnes intentions » ?

Désormais, l’UE veut mettre en pratique la directive 1924/2006/CE pour règlementer les allégations de santé inscrites sur certains aliments ou compléments alimentaires. L’idée de départ n’est pas mauvaise en soi puisqu’elle considère que les professionnels de l’agro-alimentaire sont allés trop loin en multipliant les allégations thérapeutiques, souvent fantaisistes, sur leurs produits. L’Agence européenne de sécurité sanitaire des aliments décide donc de remettre un peu d’ordre en proposant un règlement sur la question.

Problème : on est passé d’un extrême à l’autre. Ce nouveau règlement instaure en effet une nouvelle procédure d’agrément pour les produits de santé naturels portant des allégations thérapeutiques : oligo-éléments, minéraux, vitamines, acides gras, acides aminés essentiels, tous les nutriments sont concernés. Pour chaque aliment il faut constituer un dossier et le déposer auprès de la Commission européenne. La procédure est complexe, coûteuse et opaque. Sur les 44 000 dossiers déposés, la Commission a réduit arbitrairement ce chiffre à 4 637, sous prétexte de doublons entre les différents pays. Sur ces 4 637, seuls 222 ont été acceptés en 2012. En clair seules 222 allégations de santé ont été autorisées (liste complète).

Si les États membres appliquaient immédiatement cette directive, de nombreuses petites entreprises du secteur devraient inévitablement mettre la clé sous la porte. Comment, en effet,  vendre un complément alimentaire s’il est impossible d’indiquer au consommateur ses éventuels effets bénéfiques ? Le paradoxe de ce règlement est que les consommateurs seront au final moins informés qu’avant.

L’agence européenne n’a retenu que la procédure la plus complexe sur les trois qui lui étaient proposées

Il serait possible d’objecter que si certaines allégations de santé n’ont pas été autorisées c’est parce qu’elles sont au mieux inopérantes, au pire dangereuses. Et c’est là qu’il faut se replonger dans la procédure d’agrément. L’agence européenne n’a retenu que la procédure la plus complexe sur les trois qui lui étaient proposées : il faut démontrer les effets « physiologiques » des nutriments concernés par des études à grande échelle sur des milliers de personnes. Il est évident que des petits producteurs de pruneaux ou de miel ne sont pas en mesure de fournir de telles études. Seuls les mastodontes de l’industrie agro-alimentaire ou pharmaceutique sont en mesure de le faire. Avec l’objectivité que l’on sait, au vu des scandales sanitaires de ces dernières années (les études sur le Mediator ne montraient aucune dangerosité, elles étaient fournies par le laboratoire qui fabriquait le produit).

Bien entendu l’Agence européenne de sécurité des aliments se prétend parfaitement objective. Pourtant on peut légitimement avoir quelques doutes à ce sujet. Un certain nombre d’experts de l’agence, à commencer par sa présidente, sont dans des situations de conflits d’intérêts manifestes avec l’industrie. Beaucoup d’entre eux travaillent à la fois pour des grands groupes industriels et pour les instances européennes. Le rapport de l’Observatoire de l’Europe Industrielle de février 2012 précise : « L’ensemble des experts de l’EFSA qui sont décisionnaires en la matière n’offrent pas tous des gages d’indépendance. De nombreux membres de ces groupes d’experts ont des liens avérés avec des entreprises du secteur des biotechnologies, de l’alimentation et des pesticides. » Que ce nouveau règlement européen favorise exagérément les grands groupes au détriment des petits producteurs et de la légitime information due au consommateur, ne peut donc être qu’une coïncidence malheureuse…

Spoutnik, pour Novopress

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