Vu d’Allemagne : François Hollande, le Président qui doit décevoir la France

7 mai 2012 | Actualité internationale, Actualités, Europe

07/05/2012 – 17h30
BERLIN (NOVOpress) – Il a été perçu outre Rhin comme un homme pâle, presque sous le choc de sa victoire et fatigué tant lors de son discours sur le parvis de la cathédrale de Tulle que plus encore à 1h30 place de la Bastille où sa voix était enrouée et fluette. Mais le nouveau Président n’aura pourtant guère le temps de se reposer durant les premiers quarante jours de son mandat, s’il veut réussir les élections législatives tout en honorant les nombreux rendez-vous qu’il a déjà avec divers chefs d’état. Que pense de cette élection l’hebdomadaire Der Spiegel  (copie d’écran en Une) qui titre “Le Président, qui doit décevoir la France” ? :

« Le favori a gagné: le socialiste François Hollande devient le nouveau Président de la République. Mais il lui faudra décevoir beaucoup de ses supporters car il a été embauché pour un des emplois les plus difficiles au monde.

Sa victoire a d’abord un arrière goût de règlement de compte avec son prédécesseur Nicolas Sarkozy, élu il y a cinq ans et devenu peu à peu le Président le plus détesté de la Vème république. Pour beaucoup de Français, il a désacralisé sa charge et s’est globalement comporté tel un Napoléon moderne, au point que même une partie de la droite ne dissimule guère sa haine à son encontre. La victoire de Hollande est d’abord à comprendre comme une destitution de Sarkozy, la fin d’une histoire d’amour qui a mal tourné.

Pour en finir avec ce Président « anormal », les Français lui ont choisi un successeur plus classique. C’est ce que leur a promis un Hollande sur qui personne ne misait il y a encore peu, et qui n’a dû sa qualification de présidentiable qu’à la lamentable chute de DSK. Pourtant, il s’est peu à peu mis dans la peau du personnage, et comme le remarquait Alain Minc, conseiller du président sortant: « Nous avons tous sous estimé ce type. Soit nous nous sommes trompés sur son compte, soit il a vraiment changé ».

L’homme ressenti en Allemagne comme étant très à gauche, risque pourtant de décevoir amèrement ses électeurs. Malgré ses prise de position en faveur d’une retraite à 60 ans ou contre la politique d’austérité européenne, il ne disposera pas des moyens d’être dépensier, car il est élu à la tête d’un pays à l’économie malade, plombé par une dette avoisinant les 90% du PIB; un pays qui n’a plus connu de budget équilibré depuis 1974. Un pays qui souffre d’un taux de chômage à 10%, avec des banlieues-ghettos où plusieurs générations d’enfants d’immigrés ne se sont jamais frottés au monde du travail. Des sujets embarrassants qui ont fort peu été évoqués durant la campagne, mais qui se retrouveront projetés au premier plan pour le nouveau président.

La grande question est de savoir s’il aura seulement la force de réformer ce pays en profondeur. Il est certes pragmatique, et même qualifié par certains de « social-démocrate ». Il s’est engagé à un budget équilibré, et c’est à cette aune qu’il sera mesuré. Mais après la grande fête d’hier à la Bastille, la France risque de se réveiller avec une douloureuse gueule de bois. Des moments difficiles attendent tant l’homme que le pays. Il a souvent évoqué cette grandeur de la France que pourtant une économie anémiée menace. Il ne pourra plus sacrifier à la tradition si française de l’endettement, ni réformer le pays sans se mettre beaucoup de ses électeurs à dos.

En Europe, il ne sera pas aux antipodes de Merckel, malgré une campagne agressive. Beaucoup d’observateurs semblent ignorer que sa position envers l’euro, la BCE ou le fond monétaire de stabilité européen ne diffère guère de celle de son prédécesseur. Et il est même tout à fait possible que le couple Hollande-Merckel s’entende mieux que le couple Sarkozy-Merckel !

La campagne électorale a révélé un pays manquant de confiance en lui même et craintif devant l’avenir; un pays divisé, où le nombre des insatisfaits et des frustrés est en hausse. Il lui faudra unir les camps et se comporter en ces périodes difficiles qui s’annoncent, en véritable père de la nation, capable de réconcilier la droite et la gauche.

Mais si pour la gauche cette élection a le goût du triomphe, elle risque par contre de diviser gravement la droite. La campagne [de Sarkozy qui] s’est attaquée avec une virulence inouïe jusque là aux immigrés et à l’islam, a presque transformé l’UMP conservatrice en une copie du parti populiste de droite Front National. Et même s’il a été immédiatement corrigé, le lapsus du Ministre de la défense Gérard Longuet lors d’une interview radio diffusée, « nous autres du Front National », n’est évidemment pas passé inaperçu. Le divorce entre un camp libéral dégoûté par cette campagne et sa sensibilité plus à droite tentée par une union avec le FN semble presque inéluctable. C’est le grand rêve de Marine le Pen qui s’est elle même élevée au rang de “chef de l’opposition”. Un cauchemar pour le nouveau Président ».

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