Cet éditorial rappelle tout d’abord les circonstances de l’élection de François Mitterrand en 1981. Puis développe les raisons que voit son auteur pour que les électeurs de Marine Le Pen au premier tour, évitent en 2012 l’élection de François Hollande, en votant Nicolas Sarkozy au deuxième tour.
Dimanche 10 mai 1981, 20 heures. Sur les écrans de télévision, un portrait pixellisé se met à apparaître, en commençant par le crâne. Il y a quelques instants de doute puis, hélas, il n’y en a plus. François Mitterrand est élu président de la République. Avec 51,76 % des voix contre 48,24 % à Valéry Giscard d’Estaing, soit 1 065 956 voix d’avance. On décompte aussi 898 984 bulletins blancs et nuls… Merci qui ? Merci Chirac, qui, ayant obtenu 18 % des voix au premier tour, avait ordonné en coulisses, via les réseaux de Charles Pasqua, de faire la peau de Giscard, président sortant, soit en votant blanc, soit, carrément, en votant pour François Mitterrand. Ce dernier confiera à Valéry Giscard d’Estaing quelques semaines avant sa mort : « Vous étiez imbattable. […] Et je n’ai été élu que grâce aux 550 000 voix que m’a apportées Jacques Chirac au deuxième tour. Vous n’avez qu’à regarder les chiffres. Sans ces 550 000 voix qui ont changé de camp, je ne pouvais pas être élu. »
Le but de Jacques Chirac : faire place nette à droite pour reconfigurer celle-ci autour de lui et de son parti, le RPR, et lui permettre d’accéder à la présidence de la République. « Ni M. Giscard d’Estaing ni M. Mitterrand ne veulent changer la société », argumente alors, devant le comité central du RPR le directeur adjoint de la campagne présidentielle de Chirac, un trentenaire ambitieux nommé… Alain Juppé. Lamentable manœuvre. Minable manœuvre politicienne, accomplie sans aucun égard pour l’intérêt national et pour celui des Français, et qui va plonger la France dans quatorze années de « socialo-communisme » comme on disait à l’époque en une formule qui redevient cruellement d’actualité. Quatorze années de socialisme qui ne furent pas même atténuées par les deux cohabitations, tant la Constitution de la Ve République est ordonnée autour du bon plaisir du chef de l’Etat.
Que ceux qui avaient 13 ans en 1981 écoutent
Trois décennies plus tard, la tentation ressurgit de faire vivre à la France le « remake » de 1981. Pour les mêmes raisons. Sous les mêmes prétextes. Avec la même inconséquence. En pire. Au moins, le 11 mai 1981, Jacques Chirac avait-il déclaré : « Chacun devra voter selon sa conscience. A titre personnel, je ne puis que voter pour M. Giscard d’Estaing. » La formule était assassine mais il avait fait le « service minimum ». Cette fois, rien de tel. Pour le moment. Et les porte-flingues se sont fait plaisir. L’un, directeur de la campagne du candidat qui a obtenu aussi 18 % (17,90 % pour être précis), affirme sur RMC qu’il votera blanc. L’autre, directeur « stratégique » de la même campagne, va sur Canal + asséner qu’il va « peut-être voter blanc ou revoter Marine Le Pen ». A moins que ce ne soit Charles Martel, Louis XX ou, tant qu’on y est, Jules Ferry ?
« L’expérience est une lanterne sourde qui n’éclaire que celui qui la porte », dit-on en une formule attribuée tantôt à Confucius, tantôt à Louis-Ferdinand Céline. Manifestement, il y a du vrai. Ceux qui avaient 12 ou 13 ans en 1981 – ou n’étaient même pas nés – croient que la gauche et la droite, c’est pareil, et que dès les prochaines législatives, par une levée en masse des électeurs contre la politique de la gauche – tiens ! ce n’est donc pas pareil, finalement ? –, ils vont rafler la mise. Foutaises. Non seulement ils ne vont rien rafler du tout, au contraire de 1986, en raison de la proximité du scrutin législatif avec la présidentielle et de leur refus de tout accord électoral, mais, François Hollande emportant l’Elysée, la gauche encore une fois socialo-communiste disposerait d’absolument tous les pouvoirs.
Le 1er octobre 2011, la gauche a pris possession du Sénat. Il ne s’était écoulé que deux mois quand, le jeudi 8 décembre 2011, par 173 voix contre 166, le Sénat rose-rouge-vert a adopté une proposition de loi constitutionnelle visant à ouvrir aux étrangers non citoyens de l’Union européenne qui résident depuis plus de cinq ans en France la possibilité de voter et d’être élus aux élections municipales… Si le texte, présenté par le groupe Socialistes et apparentés et le groupe Europe Ecologie-Les Verts n’est pas allé plus loin, c’est uniquement parce que la droite était encore majoritaire à l’Assemblée nationale… Ce même texte avait été en effet adopté par l’Assemblée nationale le 20 octobre 1999 alors que la gauche y avait la majorité et que Lionel Jospin était à Matignon. Heureusement, une loi constitutionnelle ne peut être adoptée que par les trois cinquièmes des parlementaires réunis en congrès.
L’intérêt national passe avant tout
Hollande élu, il aura cette majorité – que François Mitterrand n’a jamais eue ! – dès le mois de juin. Ainsi que la mainmise sur la totalité des conseils régionaux de métropole, à l’exception de l’Alsace. Ainsi que sur soixante conseils généraux. Ainsi que sur vingt-cinq des trente-sept villes de plus de 100 000 habitants, en des majorités qui, hormis de rares exceptions, réunissent les socialistes, les communistes, les mélenchoniens, les écolos, les trotskistes et on en passe, ce qui relativise infiniment les appels de Jean-Luc Mélenchon et d’Eva Joly à voter pour François Hollande « sans contrepartie », d’autant que celles-ci sont déjà actées par des accords pour les élections législatives et pour les élections locales de 2014 ! Sans oublier, bien sûr, qu’il pourra s’appuyer sur l’écrasante majorité des médias.
Maire d’Orange (Vaucluse), Jacques Bompard, ancien du FN et authentique homme de droite depuis sa jeunesse dans les rangs du mouvement Occident puis aux comités Tixier-Vignancour, sait ce que l’emprise de la gauche sur un pays signifie. « Face au candidat de l’assistanat, de la fiscalité délirante qui frappera autant les travailleurs que les entreprises, du droit de vote pour les étrangers et de l’incitation à l’immigration massive, pas une voix ne doit manquer le 6 mai » à Nicolas Sarkozy a-t-il fait savoir, dès lundi matin, par communiqué. Un appel d’autant plus méritoire que, aux prochaines législatives, il aura face à lui un candidat de l’UMP. Mais cette période cruciale pour l’avenir de la France, Jacques Bompard a su tout de suite définir les priorités : l’intérêt national passe avant tout.
Puisse-t-il être entendu et son appel libérer la parole de ceux qui, ayant œuvré pour le succès de Marine Le Pen, savent très bien que la droite sarkozyste et la gauche rose-rouge-verte, quels que soient les nombreux reproches que l’on puisse faire à la première, ce n’est vraiment pas la même chose.