16/04/2012 – 08h00
MILAN (NOVOpress) — Avec ses 36.500 étudiants, le Politecnico de Milan est la plus grande et la plus prestigieuse université technique d’Italie, spécialisée dans l’ingénierie, l’architecture et le design. Il offre actuellement des enseignements à la fois en italien et en anglais (pour environ un tiers des cours).
Le recteur, Giovanni Azzone, vient d’annoncer que, à partir de 2014, l’ensemble des enseignements de master et de doctorat seraient donnés exclusivement en anglais. La décision est motivée par deux raisons. Premièrement, attirer plus d’étudiants étrangers : selon le recteur Azzone, « l’Italie ne peut croître que si elle attire des intelligences, étant donné qu’elle ne peut compter sur les matières premières comme les pays arabes ». Deuxièmement, pour citer encore les propres termes du recteur, « former un capital humain de qualité dans un contexte international pour répondre tant aux exigences des entreprises qu’à celles des étudiants qui veulent être “vendables” sur le marché mondial du travail ». Pour le cas où quelqu’un aurait des doutes, le recteur précise : «bien sûr, nous utiliserons la langue anglaise internationale, pas l’anglais d’Oxford ».
Il s’agit d’une étape décisive dans l’anglicisation de l’enseignement supérieur en Italie. Si les cours en anglais se sont multipliés ces dernières années (le Polytechnique de Turin a supprimé plusieurs cours en italien pour les remplacer par des cours en anglais, et a rendu ceux-ci gratuits pour y attirer plus d’étudiants), seules des universités privées étaient passées jusqu’à présent au tout anglais. L’abandon de l’italien par le Polytechnique de Milan et sans doute aussi la formulation délibérément ultra-libérale adoptée par le recteur, ont donc suscité bon nombre de critiques, notamment de la part du grand linguiste (et intellectuel engagé à gauche), Tullio De Mauro, titulaire de la chaire de linguistique générale à l’Université La Sapienza de Rome. Selon lui, le recours à l’anglais peut être « un instrument utile » s’il est limité à des enseignements spécifiques, mais il est nuisible s’il est généralisé. Une formation exclusivement en langue étrangère, aussi bien, « n’aide pas à améliorer sa connaissance de la langue maternelle et cela a des effets négatifs sur l’intelligence des gens car, aussi bien qu’on puisse l’apprendre, une langue étrangère ne sera jamais la langue maternelle ».
Le gouvernement de la Goldman Sachs, en revanche, est enthousiaste. Le ministre de l’Instruction et des Universités, Francesco Profumo, a déclaré dans un entretien à La Stampa, que la décision du Politecnico de Milan était un modèle à suivre pour « certaines universités de prestige » – l’italien étant bon, si l’on comprend bien, pour les universités ordinaires. Selon le ministre, «nous deviendrons peu à peu un pays normal ».
« Pourquoi normal ?, s’étonne le journaliste. – Parce que, répond le ministre, jusqu’à présent le facteur linguistique a représenté une barrière: pour nos étudiants, qui se sont trouvés en difficulté pour être en concurrence avec leurs contemporains étrangers, et pour les étrangers». Bref, l’Italie va enfin devenir un pays normal, c’est-à-dire un pays où l’on parle le business English comme tout le monde. Pour les étudiants italiens, ajoute le ministre, « un background (en anglais dans le texte) linguistique de haut niveau est un moyen pour avoir de plus grandes possibilités de trouver du travail soit à l’extérieur soit dans les multinationales qui ont des sièges en Italie » – car, bien sûr, dans ces sièges de multinationales en Italie, il ne saurait être question de parler italien.
Le ministre – pour enfoncer le clou idéologique ? ou parce que c’est une obsession ? – a conclu par une invocation au métissage : « c’est une occasion pour notre système scolaire de s’améliorer en se métissant (mescolando il sangue), en construisant de nouveaux rapports entre étudiants, et entre étudiants et professeurs».