A Nantes, Eva Joly plaide pour « l’écologie, l’Europe et la République exemplaire »

7 avril 2012 | Actualités, France, Politique

07/04/2012 – 09h30
NANTES (NOVOpress Breizh) – Eva Joly était à Nantes mercredi dans le cadre de la campagne présidentielle. Plutôt bien remise de sa chute dans un escalier – mais beaucoup moins de celle dans les sondages – la candidate d’Europe Ecologie Les Verts a présenté son programme à Saint-Herblain devant un bon millier de personnes venues pour la soutenir. Un discours décalé par rapport aux ambitions très politiciennes de l’appareil de son parti, qui se veut dénué de toute démagogie, traitant intelligemment de questions essentielles, mais manifestement « hors sol », souvent contradictoire et oublieux de la diversité du monde.

Mercredi soir, aux abords de « La carrière » à Saint-Herblain, où se tenait le meeting, le parking était complet – les adeptes des déplacements en vélo ou en transport en commun étant manifestement très minoritaires – et les conducteurs des voitures en attente furent invités à se garer sur les pelouses…

Venus pour l’occasion, de nombreux responsables nationaux – Cécile Duflot, Dominique Voynet, Yves Jadot – et régionaux – R. Dantec, C. Bouchoux, François de Rugy, J.P. Magnen, M. Orphelin – occupaient les premiers rangs de la salle surchauffée – les économies d’énergie attendront – malgré une température plutôt printanière.

Chargés – si l’on ose dire – de « chauffer » la salle, ceux-ci se relayèrent pour décliner divers aspects thématiques de leurs combats : refus du centralisme et du jacobinisme, défense des droits des femmes, promotion d’une agriculture sans pesticides, mesures contre le réchauffement climatique ou encore développement de l’économie sociale à travers l’exemple de la société « Le Relais Atlantique ».

Certains voulurent marquer leur spécificité. Ainsi, Mona Bras (UDB) entama son intervention en breton – ce qui étonnement ne souleva pas l’enthousiasme de l’assistance – avant de rappeler le succès de la mobilisation du 31 mars en faveur des cultures et langues régionales. De longs applaudissements saluèrent par contre l’intervention du leader des opposants à la construction de l’aéroport de N.D. des Landes. Rappelant les trois modalités d’action de l’ACIPA – mobilisation citoyenne, action juridique, engagement politique – Julien Durand ne cacha pas la détermination de ses troupes pour obtenir satisfaction par l’action de rue et ce quel que soit le prochain Président dela République.

Célèbre dans la région pour avoir refusé d’écourter ses vacances lors de la marée noire de l’Erika (« ce n’était pas la catastrophe du siècle») alors qu’elle était ministre de l’Environnement dans le Gouvernement Jospin, Dominique Voinet affirma d’emblée que « les petits candidats avaient de grandes idées et de nobles intentions ». Se félicitant de la conversion de J.L. Mélenchon à l’écologie (?), cette politicienne avertie – elle fut deux fois candidates à la présidentielle – rappela que pour elle l’essentiel est de battre Nicolas Sarkozy.

Cécile Duflot avec Martine Aubry : dans le même train que le PS, malgré le nucléaire et N.D. des Landes

Avant de laisser la parole à la vedette de la soirée, Cécile Duflot recentra le message sur la crise qui devrait être au cœur du débat. Passant allègrement sur les accords passés avec le PS pour les prochaines législatives, la Secrétaire nationale d’Europe Écologie Les Verts jura la main sur le cœur qu’il n’y aurait aucun compromis avec les « partenaires socialistes » sur la réalisation de l’aéroport de N.D. des Landes ou sur n’importe lequel de ce qu’elle appelle « les éléphants blancs », c’est-à-dire les investissements coûteux qu’elle juge inutiles. Est-ce cette affirmation, à la crédibilité quelque peu incertaine, qui la troubla ? Toujours est-il que la patronne des Verts se mit soudainement à bafouiller et dû mettre plus tôt que prévu un terme à son intervention.

Vint enfin l’heure d’Eva Joly. Présentée par Cécile Duflot qui usa pour l’occasion d’un bel aphorisme – « Il n’y a que deux façons de faire avec la vie, soit on la rêve, soit on l’accomplit » – la candidate 2012 des Verts fut ovationnée par un public tout acquis à sa cause.

« Qu’est ce qu’elle a ma gueule? » Rappelant avec un humour certain la question pour le moins inélégante la concernant posée dans un ancien numéro des Inrockuptibles – devenue d’actualité après sa chute – et s’appliquant pour elle-même une remarque de F. Mitterrand : « Être en accord avec soi-même, je ne connais pas meilleur bulletin de santé », la candidate attaque d’emblée, abritée derrière des lunettes noires, le « bonimenteur Nicolas Sarkozy » à qui elle n’entend pas laisser un seul jour de repos.

Avec ses trois piliers : « l’écologie, l’Europe et la République exemplaire », son projet est, selon elle, « le seul qui ne regarde pas dans le rétroviseur avec les lunettes des années 70. Il ne s’agit pas d’une simple alternance mais d’un autre chemin ». Un chemin qui entend rompre avec le modèle actuel de société à risque illimité, avec ses inégalités et sa pauvreté de masse. Eva Joly annonce que, si elle est élue, elle prendra immédiatement trois décisions à caractère écologique, ce qu’elle appelle les « trois zéros » : 0 OGM, 0 forages de gaz de schiste, 0 chantiers de nouvelles autoroutes. Concernant l’Europe, elle entend aussi négocier un nouveau traité, qu’elle baptise symboliquement « d’Athènes », pour substituer la solidarité à l’austérité.

Mélange inédit d’une conception très américaine de la politique et d’idées « hors sol » favorables à la « diversité », Eva Joly annonce qu’elle mettra enfin en route «la République exemplaire » en limitant tous les mandats à deux de 5 ans, en instaurant la proportionnelle, en supprimant le statut pénal d’exception du chef de l’Etat et en donnant le droit de vote aux immigrés non communautaires. Elle n’a par contre pas évoqué sa proposition de faire de la fête de l’Aïd-el Kébir un nouveau jour férié, ni son projet de supprimer le défilé militaire du 14 juillet.

Barrack Obama : pour Eva Joly, un modèle de lutte contre la financiarisation du monde

En martelant son leitmotiv, « quand on veut, on peut », elle affirme qu’elle s’attaquera à la domination financière en imitant l’exemple d’Obama qui a supprimé les licences des banques qui ne déclareraient pas les placements dans les paradis fiscaux des citoyens américains. L’exemple peut paraître mal choisi, quand on sait que le Président américain s’est entouré d’éminents spécialistes de la finance, pour la plupart anciens de Goldman Sachs.

Selon Eva Joly, l’écologie sera « la nouvelle frontière de l’égalité, le nouveau nom du progrès social ». Cela se traduira, entre autre, par « un droit à l’eau, un droit à un coin de nature, un droit à vivre dans un quartier tranquille. » Toutefois la candidate des Verts ne s’interroge pas sur ce qui a fait que les quartiers tranquilles d’autrefois sont devenus aujourd’hui des quartiers dits « sensibles »…

Elevant sa réflexion, elle dénonce la crise des valeurs que traduit la crise de notre société, obsédée par le « combien ça coûte? », par l’obsession de l’argent, qui a fini par la posséder, par le sacrifice de l’avenir. Eva Joly se demande ce que sera le legs fait à nos enfants. « On me reproche de dire la vérité » dit-elle, ajoutant en guise de conclusion : « je suis la candidate de l’urgence, je ne fais pas de promesses, je parle d’efforts à faire, … la démagogie est et restera pour moi une langue étrangère ».

Joli programme par certains aspects, énoncé de plus dans une langue parfaite et par une Européenne qui ne manque pas de caractère. « Madame Joly n’a qu’un seul tort, fera remarquer un auditeur, rédhibitoire pour quelqu’un qui entend protéger la nature et œuvrer pour l’avenir du monde : c’est d’ignorer – ou de feindre d’ignorer – la richesse née de la diversité des hommes et des cultures. L’humanité est plurielle et ne saurait se réduire à l’unique sans s’appauvrir dangereusement. Or le système marchand actuellement dominant, dont elle dénonce à juste titre les méfaits sur l’environnement, fait courir également – notamment par les multiples déracinements de tous ordres qu’il provoque – un danger sans précédent à l’homme, qui est avant tout un être social enraciné dans une terre, un peuple et une culture. Comment prétendre défendre l’avenir de la planète en éludant cette réalité La question est posée.

Crédit photos : European parliament, via Flickr, licence cc ; Parti socialiste,via Flickr, licence cc ; EN2008, via Flickr Licence cc
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