Annonces qu’Angela Merkel interviendra dans la campagne présidentielle aux côtés de Nicolas Sarkozy, allusions répétées aux leçons données Outre-Rhin dans son intervention télévisée de dimanche, sans compter les discussions sur le rapprochement des fiscalités en cours entre les deux pays, la France de l’UMP lorgne sur « le modèle allemand », dont elle n’a cessé de s’éloigner depuis déjà pas mal de temps, avec des divergences évidentes et un différentiel de compétitivité d’environ 13%.
Ainsi notre cousine germaine vient de célébrer un nouveau record des exportations, qui ont passé le cap des 1 000 milliards d’euros en 2011. Les ventes françaises, à l’export, sont de 400 milliards d’euros, soit 40% du volume de l’Allemagne. En 1999, lors de l’introduction de l’euro, ce même ratio était de 58% !
En 2007, l’industrie française consacrait 6,6% de sa valeur ajoutée à la R&D contre 9,9% en Allemagne. Contrairement à la France, où la recherche publique est presque égale à celle du secteur privé, les deux tiers de la recherche allemande sont réalisés par les entreprises privées. Alors que la France privilégie la recherche fondamentale, c’est la recherche appliquée qui l’emporte outre-Rhin. L’Allemagne dépose 396 brevets pour 10 millions d’habitants contre 144 pour la France.
Le taux de chômage est de 6,8% en Allemagne, supérieur à 9,5% en France. Celui des jeunes Allemands n’est que de 9,7%, mais dépasse 22,5% en France. Le taux d’emploi des seniors est de 77,5% en Allemagne contre 65% en France.
Le déficit allemand est de 1,5% du PIB contre 5,7% pour la France. L’excédent de la balance commerciale allemande est de 150 milliards d’euros en 2011 contre un déficit de 75 milliards d’euros pour la France. Alors que la part de marché de la France dans le monde est tombée à 3,8%, celle de l’Allemagne dépasse 9%, faisant de ce pays le premier exportateur mondial. La part de l’industrie représente plus de 35% du PIB allemand ; elle ne compte plus que pour 14,9% dans celui de la France, soit un pourcentage encore inférieur, contrairement aux croyances , à celui de la Grande Bretagne, malgré son ratio d’activité bancaire et financière très élevé de 14% du PIB.
Les Allemands ont 10 000 entreprises de taille intermédiaire (de 250 à 5 000 salariés) alors que la France n’en a que 5 000 avec une plus faible ouverture à l’exportation. Si la France dispose de 39 entreprises mondiales et l’Allemagne de seulement 37 entreprises, le “Mittelstand” allemand et même les grandes entreprises allemandes irriguent le territoire allemand d’activités et d’emplois, alors que les grandes entreprises françaises (automobile) font de manière croissante leur chiffre d’affaires hors du territoire national, y paient peu d’impôts et y créent, proportionnellement, moins d’emplois.
Chirac et Raffarin regardent Schröder faire de la grande politique
Le fait d’armes de Gerhard Schröder, c’est l’agenda 2010, un ensemble de mesures impopulaires, lancées entre 2003 et 2005 : réforme du marché du travail, réforme du système de santé, réforme des retraites qui, d’ici quelques années, passera à 67 ans ! Tandis que la France reste engluée dans les envolées lyriques, les propos socialistes lénifiants, la rhétorique syndicale archaïque, les paralysies de la SNCF et de la RATP, le blocage de l’administration par les fonctionnaires, l’Allemagne pratique le « Mut der Veränderung » (courage du changement), le consensus moderne, l’efficacité, la compétitivité à l’exportation, les réformes de structure et l’économie sociale de marché de Ludwig Erhard !
Alors que la part des dépenses publiques dans le PIB allemand, suite à la réunification, avait atteint 54% en 1996, elle n’était plus, suite à une diminution spectaculaire, que de 48% en 1998, 44%en 2001, 43,7% en 2007 tandis qu’en France, pendant toute cette période, le taux se maintenait à 54%. Alors que les comptes de l’assurance maladie sont dans le vert outre-Rhin, ils sont dans le rouge en France et, toutes choses égales par ailleurs,la France, qui compte 5.200.000 fonctionnaires, devrait en avoir 3.000.000.
Par ailleurs, la plupart des critiques du « modèle allemand » oublient que l’économie allemande a subi, pendant 20 ans, les coûts de la réunification, soit une ponction annuelle de l’ordre de 65 à 100 milliards d’euros par an. Cela a représenté, donc en 20 ans, la petite bagatelle du montant de la dette française actuelle !
Comme le remarque Denis Kessler, ancien vice-président du MEDEF, l’illusionniste Nicolas Sarkozy appelle « plan de rigueur » quelque chose de l’ordre de 10 milliards d’euros, dont 9 milliards d’impôts supplémentaires et 1 milliard de dépenses non identifiées ! Si l’on imagine le ridicule de ce type de discours dans l’entreprise, dont un président, face aux difficultés et à une faillite inéluctable, s’écrierait : « messieurs les administrateurs, les pertes sont importantes; on a donc décidé d’augmenter les prix de nos articles de manière massive, sans réduire les dépenses, tout en ayant l’intention d’en faire quelques-unes… mais on ne sait pas encore lesquelles.»
Or, la France ne s’en sortira pas si elle n’abaisse pas ses dépenses publiques de 56% à 46%du PIB par rapport à l’Allemagne, soit 10% du PIB, soit 200 milliards d’euros ! En septembre 1981, suite aux premières et folles mesures de François Mitterrand (hausse du SMIC, nationalisations, contrôle des changes, retraite à 60 ans) le « Frankfurter Allgemeine Zeitung » titrait déjà : «La France va-t-elle devenir un pays du tiers-monde ? »
De 2000 à 2009, la France a perdu trois points de parts de marché dans la zone euro – là où justement les questions de change ne se posent pas – au moment même où l’Allemagne gagnait, de son côté, trois points. Les Français ont préféré s’endetter pour augmenter leur consommation plutôt que de conserver leur part de marché dans le monde en améliorant leur compétitivité. Les prélèvements publics cumulés rapportés à la valeur ajoutée des entreprises sont les plus élevés de la zone euro, soit 14,5% en France en 2008, contre 7,8% en Allemagne!
Le salaire net que reçoit le salarié français est faible alors que le salaire brut, compte tenu des charges sociales de son employeur, est très élevé. Le salarié français qui coûte cher à son employeur a l’impression d’être mal payé. Et tout cela parce que le budget de l’État, le déficit du budget social et les folles dépenses de personnel des collectivités décentralisées sont mal gérés et donc payés par les salariés français!
La chance de la France: l’Allemagne a besoin de l’euro !
Les Allemands viennent de réaliser que le commerce extérieur de leur pays est réalisé à plus de 63% dans la zone euro .En 2009, les exportations allemandes vers l’Autriche étaient encore supérieures à celles dela Chine. Deplus, l’Allemagne n’exportera pas « ad vitam aeternam » des BMW fabriquées en Allemagne versla Chine! Les deux tiers de l’excédent commercial allemand , soit 150 milliards d’euros, sont obtenus avec la zone euro et non avec la Chine, l’Inde et le Brésil.
Les entreprises allemandes pourraient supporter au maximum 1€ à 1,55$, mais ensuite, elles perdraient leurs parts de marché, ce qui serait le cas si un nouveau DM s’appréciait de façon brutale ou si la France dévaluait de façon massive, suite à son incompétence et à son laxisme, avec l’hyperinflation, la ruine des retraités et des détenteurs d’obligations à la clé.
Bref, comme l’a très bien résumé Angela Merkel : « l’échec de l’euro serait l’échec de l’Europe ! ». François Hollande, au lieu de nous faire rêver avec ses promesses inconsidérées, ferait mieux de s’inspirer auprès de Peer Steinbrûck, ministre des finances SPD et défenseur rigoureux du respect des disciplines pour sauver l’euro !
En conclusion, si la France ne redresse pas son économie, si l’Allemagne se replie sur elle-même, l’échec et la décadence européenne seront au rendez-vous ! L’avenir est dans le renforcement de « l’axe Paris-Berlin », avec une Allemagne qui s’autonomise de plus en plus par rapport aux États-Unis, et demain « l’axe Paris-Berlin-Moscou ».
L’Allemagne a compris l’intérêt de défendre l’euro, que son avenir est en Europe. L’abandon d’un symbole aussi fort que l’euro serait le pire des échecs, la mort d’une grande idée, française à l’origine. Aux Français de mettre fin à l’inacceptable handicap structurel et d’effectuer un sursaut économique semblable à celui effectué par le général de Gaulle en 1958.
Marc Rousset
Écrivain, économiste, Marc Rousset est l’ auteur de « La Nouvelle Europe Paris-Berlin-Moscou » Éditions Godefroy de Bouillon, 2009.
Source : Métamag