05/12/2011 – 11h45
SAIINTE-MARIE-AUX-MINES (NOVOpress) – Une petite révolution institutionnelle serait-elle en train de voir le jour en France ? Ce jeudi 1er décembre, les élus des trois collectivités locales alsaciennes (conseil régional, et conseils généraux du Bas-Rhin et du Haut-Rhin) se sont réunis à Colmar pour valider le projet de création d’une collectivité unique alsacienne, qui engloberait les trois entités actuelles. Le projet a été validé par 101 élus sur 121 (les élus de la majorité UMP, ainsi qu’une partie des socialistes), 19 abstentions (une partie des élus de gauche et le FN), et 1 voix contre.
Le projet est porté par Philippe Richert, président du seul conseil régional resté à droite après les élections et ministre des Collectivités territoriales. Il fait toutefois l’unanimité en Alsace, puisqu’aussi bien l’UMP, le PS et les Verts soutiennent le projet. Bien que le mot de fusion ait été supprimé du projet initial, au grand regret des régionalistes et des autonomistes, il n’y aura malgré tout plus que la nouvelle collectivité qui disposera de la personnalité juridique.
En ce qui concerne les modes de scrutin, on prévoit un scrutin mixte avec une part (modeste) de proportionnelle. Le projet devrait être soumis par référendum aux Alsaciens dans le courant de l’année 2012. S’il était validé, il ferait de l’Alsace la deuxième région de France métropolitaine à disposer d’un statut particulier.
On ne pourra s’empêcher de remarquer que deux jours après la validation du projet de collectivité unique d’Alsace, attendu depuis plusieurs décennies, l’élection de Miss France voyait le sacre d’une jeune Alsacienne dialectophone qui a déclaré vouloir consacrer une partie de son mandat à la promotion des langues régionales !
Pour en savoir plus sur le Conseil unique, nous avons interrogé Christian Chaton, conseiller général UMP du Haut-Rhin.
[question]Vous avez soutenu jeudi dernier à Colmar le projet de collectivité unique alsacienne. Pourquoi ?[/question]
En tant qu’élu de sensibilité régionaliste je ne peux que me féliciter de la création d’une collectivité alsacienne unique. En 2006 l’acte II de la Décentralisation avait été un véritable marché de dupes destiné à transférer une partie de la dette de l’Etat aux collectivités locales tout en les réduisant au rôle de courroie de transmission du pouvoir central.
Le Conseil unique d’Alsace sera plus qu’une brèche dans ce processus de recentralisation, une vraie bouffée d’oxygène pour tous ceux en Alsace, mais aussi dans d’autres régions, qui pensent que le centralisme est une détestable tradition française.
[question]Le mot “fusion” a disparu du projet officiel, en raison de l’opposition de Charles Buttner (président du conseil général du Haut-Rhin). Les administrations des trois collectivités resteront inchangées, il n’y aura donc pas d’économies effectuées de ce côté-là. Le regrettez-vous, ou pensez-vous que l’essentiel soit ailleurs ?[/question]
L’essentiel est ailleurs que dans les mots. Appelez ça comme vous le voulez, fusion, réunion, rapprochement, etc. Peu importe. Charles Buttner avait besoin (peut-être à juste titre) d’obtenir des garanties quant à la gouvernance du futur Conseil d’Alsace, mais aussi au respect d’un certain équilibre territorial et à la poursuite des politiques de proximité mises en œuvre avec succès par les conseils généraux. Ces garanties, il les a obtenues.
Désormais, plus rien ne s’oppose à la fusion des énergies, des talents, des volontés de notre région, pour une plus grande efficacité des politiques publiques au profit des Alsaciens.
[question]Souhaitez-vous qu’à l’avenir, l’État transfère d’autres compétences à cette nouvelle collectivité ? Si oui, lesquelles ?[/question]
Le plus de compétences possible sera le mieux ! A commencer par l’enseignement des langues, fondamental dans une région comme la notre située au cœur de l’Europe et intimement liée, historiquement, culturellement et économiquement, à l’espace du Rhin Supérieur. Mais l’enjeu le plus important sera d’obtenir de l’Etat le transfert effectif des moyens financiers d’exercer ces nouvelles compétences. Et comme nous ne saurions nous contenter de dépendre des seules dotations ou compensations généreusement accordées par Paris, nous demanderons une réforme de la fiscalité locale garantissant à la future collectivité l’autonomie d’une partie de ses ressources, et en conséquence son autonomie politique.
[question]Un projet similaire avait été soumis par référendum aux Corses en 2003, qui l’avaient rejeté. Pensez-vous qu’en Alsace le projet du Conseil recueillera une majorité de OUI et une participation suffisante ?[/question]
En tout cas je le souhaite et je m’engagerai auprès de mes concitoyens en ce sens. Si nous ratons ce rendez-vous avec nous-mêmes, dans deux générations l’Alsace n’existera plus qu’au passé dans les livres d’histoire. L’Alsace et les Alsaciens ont une opportunité historique de prendre leur destin en main, de briser la spirale du déclin et de l’acculturation et de s’affirmer dans le concert des grandes régions européennes avec leurs voisins du Pays de Bade et de la Suisse du Nord-Ouest. L’enjeu de la création du Conseil d’Alsace est clairement de retrouver le chemin de la prospérité, de notre identité et de notre liberté.
Propos recueillis par Philippe Derricks
pour Novopress France