Allemagne : Yunus ne priera pas à l’école !

3 décembre 2011 | Actualité internationale, Actualités, Europe

03/12/2011 – 08h30
BERLIN (NOVOpress) –
Comment nos voisins allemands gèrent-ils les comportements et autres signes religieux ostentatoires en milieu scolaire?

Allemagne : Yunus ne priera pas à l’école ! La cour administrative fédérale (Bundesverwaltungsgericht) (photo ci-contre) a tranché : Yunus M., fils d’un allemand converti à l’Islam et d’une turque ne pourra plus prier dans son lycée berlinois du quartier populaire de Wedding à midi. [Le rythme scolaire allemand ne comporte pas de pause de midi, et c’est donc pendant les heures normales d’enseignement]. Le lycéen de 18 ans « ne pourra pas être autorisé à pratiquer la prière rituelle, si cela risque de troubler l’ordre de l’établissement. »

Le lycéen avait porté plainte il y a déjà quatre ans, parce qu’il lui avait été interdit de prier avec des camarades sur des manteaux étalés par terre, tourné vers la Mecque, dans le couloir du lycée.

Yunus qui prépare aujourd’hui son bac, maintient que ses camarades ne se sentaient pas gênés par ses prières qui par ailleurs ne duraient que cinq minutes. Son avocat Bülen Yasar n’a pas encore décidé s’il déposera ou non un recours devant la Cour constitutionnelle, en soulignant que, selon lui, la décision des juges de Leipzig remet en cause la liberté de culte garantie par la constitution. Et le nœud du problème est bien là : la liberté de culte doit-elle le cas échéant griller la politesse à un possible trouble de l’ordre scolaire ?

L’avocate Margarete Mühl-Jäckel qui représentait le land de Berlin a mis en avant que dans le lycée en question, il n’y avait pas moins de cinq religions contraintes à coexister et pour elle, l’État serait donc bien avisé d’appliquer une forme de neutralité religieuse. La direction de l’établissement a pour sa part pu observer des animosités envers certains élèves, soit parce qu’ils mangent du porc, soit parce qu’ils ne respectent pas le Ramadan. Les filles se voient reprocher des tenues trop légères et on leur conseille le port du foulard. L’on en serait même déjà arrivé à de vives tensions dans une salle de prière, des garçons musulmans déclarant la pièce profanée parce que des filles désiraient y prier selon le rite Alévi (communauté musulmane turque proche des Chiites, et attachée à la laïcité). La prière rituelle musulmane avec sa prosternation en direction de la Mecque aurait un caractère prosélyte manifeste, et provoquerait des tensions.

Les juges quant à eux soulignent, ce qui ne simplifie pas le problème, que l’Allemagne n’est pas un état laïc, et que l’on peut donc autoriser les élèves à prier à l’école, en dehors des heures de cours, et à la condition que cela ne nuise pas à l’ordre de l’établissement.

On peut bien sûr se demander si, comme l’estime la Berliner Zeitung, le verdict du tribunal renforce ainsi la position des responsables d’établissements, qui peuvent décider si la prière rituelle trouble ou non le déroulement normal de l’enseignement ; ou si cela ne les laisse pas complètement seuls face aux problèmes à gérer.

La sphère bienpensante s’en trouve en tous cas fort satisfaite. Par l’entremise de sa porte parole, l’administration responsable de l’enseignement berlinois a salué ce verdict, qui « confirme qu’il n’y a pas de directives au sujet des lieux de prière dans les établissements scolaire ». Les deux principales confessions chrétiennes s’en réjouissent tout autant, ainsi le porte parole de l’archevêque Stefen Förner pour qui cette décision de justice ne permet pas de fonder « un bannissement du fait religieux de la sphère publique comme des écoles ».

Alors que se réunissent à Berlin d’éminents membres de la Cour constitutionnelle pour chercher des moyens légaux visant à pourchasser la pensée déviante et l’islamophobie, peut-on encore estimer honnêtement, comme le prétend une grande partie de la classe politique en Allemagne -comme d’ailleurs chez nous- qu’il n’y a aucun souci à se faire avec une « soi disant islamisation » des pays d’Europe ?

Crédit photo : PearlsofJannah (photo en Une) et Manecke, licences CC.

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