La crise : petit résumé – Par Bill Bonner

1 novembre 2011 | Économie

En cette veille du jour consacré aux morts, Bill Bonner, rédacteur à “ La chronique Agora” se livre à une analyse discursive de la crise durable que nous traversons. Un arrêt de mort du système de la finance et de l’argent ?

▪ Voilà comment nous voyons la situation actuelle. Après la Deuxième guerre mondiale, l’Europe a pu renaître de ses cendres pendant que les Etats-Unis volaient de record en record. Le monde développé non-communiste — Japon compris — profitait de ses “30 Glorieuses” de croissance.

Ensuite, quelque chose a mal tourné. Les zombies ont augmenté leur pouvoir… et ont fait passer de plus en plus de ressources vers des secteurs improductifs. Parallèlement, l’aubaine générée par l’utilisation croissante de carburants fossiles (la cause réelle de la croissance au-dessus de la normale enregistrée depuis l’avènement de la Révolution industrielle) atteignait le point de déclin d’utilité marginale. Les prix de l’énergie ont grimpé, et il a été de plus en plus difficile de trouver des applications qui rapporteraient gros.

Pris ensemble, ces phénomènes ont provoqué une baisse des taux de croissance réels. Depuis, les salaires réels n’ont marqué aucune amélioration significative — pas plus en France qu’aux Etats-Unis. C’est-à-dire que depuis 40 ans, les revenus du travailleur moyen ont à peine augmenté.

Comment réagir à ce défi ?

Aux États-Unis, les ménages ont ruiné leurs finances personnelles. Ils ont compensé le manque de croissance des revenus par une croissance des dettes. Cela leur a permis de continuer à améliorer leur niveau de vie jusqu’au 21ème siècle.

En Europe, ce sont les gouvernements qui ont ruiné leurs finances. Ils ont compensé le manque de croissance des revenus par une augmentation des services publics financés par la dette. Ce qui a permis aux gens d’améliorer leur niveau de vie même s’ils ne gagnaient pas plus d’argent.

En termes de dette totale, il n’y a pas beaucoup de différence entre les pays d’Europe et les États-Unis. Tous ont un ratio dette totale/PIB de 250% à 300%. Un peu plus pour certains, un peu moins pour d’autres. En Europe et au Japon, la dette se concentre dans le secteur public. Aux États-Unis, elle est en majeure partie dans le secteur privé… mais le secteur public gagne rapidement du terrain.

Évidemment, les gens qui vendent de la dette — c’est-à-dire Wall Street, la City de Londres et le reste de l’industrie financière — s’en sont merveilleusement bien sortis. Aux États-Unis, par exemple, le pourcentage des profits provenant des entreprises du secteur financier a grimpé de 300% au cours des trois dernières décennies.

Voilà pourquoi les gens pensent que les banques étaient la cause du problème. En réalité, ces dernières étaient en grande partie au bon endroit au bon moment, ce qui leur a permis de profiter d’une tendance qu’elles n’ont pas causée et qu’elles ne pouvaient absolument pas contrôler.

▪ Puis, en 2007, on a commencé à faire les comptes. Tout à coup, le secteur privé américain a cédé sous le poids de la dette. Les gens ne pouvaient plus payer leurs prêts… et les génies de l’industrie financière ont réalisé qu’ils étaient ruinés. Leur dette hypothécaire découpée et réarrangée n’était de loin pas aussi solide qu’ils le pensaient.

Les gouvernements se sont précipités pour secourir les banques, qui se trouvaient être, comme par hasard, d’importants contributeurs lors des campagnes électorales. Les autorités se sont mises dans le pétrin par la même occasion. L’Islande et l’Irlande ont été les premières à couler. Puis toute la périphérie de l’Europe s’est mise à prendre l’eau.

Aux États-Unis, des villes entières n’ont pas tardé à se retrouver sous l’eau… comme Las Vegas et Orlando. En Europe, des pays entiers ont été submergés, comme la Grèce.

Et qu’ont fait les autorités ? Quelle a été leur solution ?

Hélas, elles ne connaissent qu’un remède — ajouter de la dette –, qui ne fonctionne pas. Mais elles s’entêtent… baissant les taux d’intérêt, offrant plus de crédit facile à tout le monde. On pousse les gens à dépenser de l’argent qu’ils n’ont pas pour acheter des produits dont ils n’ont pas besoin de manière à ce que l’économie puisse aller là où elle ne devrait pas aller — plus loin dans la dette !

Mais même si les autorités réussissent à contraindre les ménages à répéter leurs erreurs… ils ne pourront pas tenir le rythme : ils sont en train de se retrouver à court d’argent.

La dette est désormais une entrave à la croissance, plutôt qu’un facilitateur. Comme l’énergie, elle a atteint son point de déclin d’utilité marginale il y a des années de ça. Les autorités peuvent encore ajouter de la dette — du moins aux États-Unis — mais ça n’aide pas la croissance. Au contraire, ça l’écrase.

Lorsque les investisseurs le comprendront enfin, ils vendront leurs actions… et les marchés seront libres de se rendre à leur rendez-vous avec leurs plus bas.

Bill Bonner

Image en haut d’article : la dette des États-Unis, aujourd’hui sur l’horloge de la US Debt Clock.
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