Obama a des idées sur la Grèce !

20 octobre 2011 | Actualités, Économie

Les Américains ont la mémoire courte. Très courte. Mais beaucoup de culot. Alors que leur dette est abyssale, que leur déficit commercial ne cesse de s’accentuer, que leur déficit public et le poids de leur dette sont nettement supérieurs à ceux de l’Europe, Barack Obama a « exigé » des Européens qu’ils prennent rapidement des mesures quant à la crise grecque. Quand l’hôpital se moque de la charité…

Lundi 18 avril 2011 – L’agence de notation Standard & Poor’s abaisse de « stable » à « negative » la perspective de la dette à long terme des Etats-Unis – tout en maintenant sa note AAA –, en raison des déficits budgétaires très importants, du niveau de l’endettement du pays et de l’absence claire de politique pour y remédier.

Lundi 16 mai 2011 – La dette de l’Etat fédéral atteint 14.294 milliards de dollars. Depuis, le trou s’élargit de 2,5 millions de dollars chaque minute, soit près de 4 milliards supplémentaires chaque jour ; actuellement les Etats-Unis empruntent 40 cents pour chaque dollar dépensé.

Une estimation du département du Trésor fixe la dette publique à 15.480 milliards de dollars au 1er octobre 2011 – soit 99,5% du PIB. Notons qu’elle s’établissait à 11.876 milliards de dollars en 2009. Pour pouvoir tenir jusqu’à l’élection présidentielle de novembre 2012, l’administration Obama sera contrainte d’emprunter 1.500 milliards de dollars supplémentaires. Il est bon de savoir que cette dette s’est creusée ces trois dernières années sous l’effet combiné des réductions d’impôts adoptées sous la présidence Bush et des nouvelles dépenses entraînées par la crise. Les revenus de l’Etat fédéral, jusqu’à 21% du PIB à la fin des années 1990, ne représentent plus que 14% du PIB.

Goldman Sachs, New-York. La banque la plus puissante du monde.

Mardi 4 octobre 2011 – Le bureau du budget du Congrès (CBO) annonce que le déficit du budget fédéral américain s’est élevé à 1.300 milliards de dollars au cours de l’exercice fiscal 2010 – 2011 (30 septembre 2010 – 1er octobre 2011) ; soit 8,6% du PIB.

Il est important de souligner que ces chiffres concernent exclusivement les comptes de l’Etat fédéral. Un périmètre beaucoup plus limité que celui en vigueur dans l’Union européenne où les critères de Maastricht imposent de prendre en compte pour le calcul du déficit public et de la dette publique non seulement l’Etat, mais encore les collectivités territoriales, les administrations de sécurité sociale et les organismes divers d’administration centrale (ODAC) comme le CNRS, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), Pôle Emploi, Météo France etc. Si les Etats-Unis utilisaient le même périmètre, leur déficit public se serait élevé à 9,6% en 2011, selon le FMI.

Du côté du déficit commercial, la situation n’est guère plus brillante : de 374,9 milliards de dollars en 2009 on passe à 497,82 milliards en 2010.

La confiance des milieux financiers ne semble pas au rendez-vous. Au 30 juin 2011 a pris fin le plan Ben Bernanke – « quantitative easing 2 » – qui consistait, pourla FED, à se donner les moyens de racheter 600 milliards d’emprunts d’Etat. On aura observé que, de novembre 2010 à juin 2011,la FED a épongé 70% à 80% du papier émis par l’Etat fédéral pour couvrir ses déficits.

Mais il n’y a pas que la machine fédérale à donner des signes de faiblesse. Quarante-six Etats américains sur cinquante ont été confrontés à une situation déficitaire en 2010, le total des besoins de financement s’élevant à 125 milliards de dollars ; la situation devrait empirer en 2011 et porter la somme des déficits à 140 milliards. Si bien que certains représentants américains songent à faire voter une loi autorisant les Etats à se déclarer en faillite…

Obama .Quand l'icône du système mondial donne des leçons à l'Europe

Jeudi 6 octobre 2011 – Lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, Barack Obama donne des ordres aux Européens : ceux-ci « doivent agir vite » face au risque de contagion de la crise grecque. « Il y a un sommet du G20 qui arrive en novembre », rappelle-t-il. « J’espère vraiment que d’ici au Sommet [les Européens] auront un plan d’action très clair et concret qui sera à la hauteur. »

Il serait facile de rétorquer à M. Obama que les comptes truqués de la Grèce l’ont été grâce aux bons offices d’une banque américaine – opération destinée à permettre à ce pays de remplir les conditions exigées pour rentrer dans la zone euro. C’est en effet une banquière de Goldman Sachs, Antigone Loudiadis, qui a monté des instruments financiers (« swaps de devises ») permettant au gouvernement grec de dissimuler sa mauvaise santé financière à ses partenaires européens.

Encore plus fort : en même temps que Goldman Sachs conseillait la Grèce, la banque en question conseillait à ses clients, principalement des fonds spéculatifs, de parier sur la défaillance prochaine d’Athènes. Montant des commissions recueillies par la banque la plus puissante du monde pour « ses bons conseils » : 300 millions d’euros versés par les Grecs.

Pour ces multiples raisons, rien n’autorise les Américains à prétendre donner des leçons aux Européens. Une comparaison reposant sur quatre chiffes clôt même le débat en leur défaveur. D’abord le déficit public : 4,4% du PIB pour la zone euro en 2011, et 10,8% pour les Etats-Unis. Ensuite la dette publique : 87,3% pour la zone euro et 99,5% pour les Etats-Unis. Ce sont quatre chiffres que Jean-Claude Trichet aimait à répéter ces derniers mois. En effet, en juillet, on s’attendait à un déficit fédéral Outre-Atlantique de 1.600 milliards, soit 11% du PIB. Avec un déficit de 1.300 milliards de dollars annoncé le 8 octobre, il est « seulement » de 8,6%…

On voit donc que les Américains ont encore beaucoup d’efforts à consentir pour se hisser au niveau des Européens dans le domaine des finances publiques. Fort de son statut d’icône du système mondial, Monsieur Obama se croit autorisé à donner des leçons à l’Europe. Il serait peut-être mieux avisé de s’occuper d’abord des affaires de son propre pays. Qui en a bien besoin.

Crédit photos. Dollar,symbol,money,shadow,3d,render, crédit Svilen.milev sous licence Creative Commons. Obama, Pete Souza sous licence CC. GoldmanSachsTower(Jersey City), Uris sous licence CC.

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